Les pouvoirs magiques de la collaboration (où 1+1 font 3 !)

Pleins feux sur les travaux de Clay Shirky, pour qui la collaboration sous-tend l'innovation.

En quoi la collaboration peut-elle être le moteur du changement ? Cette question nous taraude beaucoup chez Morning car chaque jour, nous nous fixons pour objectif de déclencher des rencontres et de porter des collaborations nouvelles entre "nos" colocs.Cette question taraude également Clay Shirky, spécialiste du web et de la transformation numérique. Ces dernières années, Clay a orienté ses recherches dans la compréhension des effets de la technologie sur la société. Au fil de ses travaux, il s’est particulièrement intéressé à la collaboration en tant que facteur déterminant de l’innovation.

Le surplus cognitif : quand le tout est plus grand que la somme des parties

Les recherches de Clay Shirky s’appuient sur le développement des nouveaux médias interactifs qui permettent à chacun de passer de la consommation passive de contenus à une production et une diffusion propre à chacun. Même si nous aimons toujours autant consommer les médias comme au 20ème siècle, nous sommes aussi portés à créer et partager.L’idée de “surplus cognitif” qui en découle représente cette capacité excédentaire de la population à se porter bénévole, à contribuer et à collaborer à de grands projets, parfois même globaux. Deux facteurs sont donc nécessaires à cette production nouvelle : le temps libre des talents et leurs outils numériques.

2007, pendant les élections présidentielles au Kenya.

Clay Shirky illustre son propos avec une histoire qui commence au Kenya, en décembre 2007. Suite aux résultats très controversés de l’élection présidentielle, des violences ethniques éclatent dans tout le pays. Ory Okolloh - avocat de Nairobi en quête d’informations - demande à l’audience de son blog Kenyan Pundit de partager des informations sur la situation en cours. Très vite, Okolloh s’est retrouvé submergé face à l’afflux de commentaires. Deux lecteurs “développeurs” de son blog ont proposé leur aide pour concevoir une interface capable de récupérer et d’agréger l’ensemble des témoignages avant de les afficher sur une carte. En 72 heures, le site Ushahidi était né. Le terme signifie témoin ou témoignage en swahili. Face au succès de cette nouvelle interface, ses créateurs décideront de la transformer en un logiciel libre et une plateforme.

Cette histoire est un bel exemple de surplus cognitif. Grâce aux outils numériques, la production collective est supérieure à la somme des productions individuelles. Selon Clay Shirky, nous vivons aujourd’hui dans un monde où les rencontres inattendues sont encouragées pour deux raisons : la première est l’échelle à laquelle notre réseau de communication fonctionne, la seconde repose sur la capacité de tous à participer aux débats publics. En conséquences, nous sommes aujourd’hui plus exposés au hasard de ces connexions vertueuses. Nous sommes tous plus visibles et toujours plus en mesure de relier des points, de nous entraider et de tisser des liens.Chaque projet collaboratif est potentiellement un Wikipedia. Les réseaux sociaux permettent même d’aller plus loin en offrant à chacun de partager ses propres créations les plus furtives (il suffit de penser aux memes, par exemple). Aujourd’hui, nous sommes tous égaux dans notre capacité de consommer, de produire et de partager simultanément. Shirky souligne que ces trois activités sont des éléments fondamentaux que les médias ne sont pas capables d’assurer de manière équilibrée.

Le modèle collaboratif : valorisation de compétences au lieu de rôles institués

“Read the crowd”, nous dit le slogan de Ushahidi. N’est-ce pas cela l’esprit du pouvoir collectif ? Lire ce que chacun peut apporter et rassembler les idées de cette foule pour le bien commun. Cette idée suit une logique de valorisation accrue des compétences de chacun, pour qu’elles puissent être associées, combinées et que le résultat général soit plus positif que les initiatives isolées.Le surplus cognitif aboutit à une forme d’organisation particulière capable de se déployer dans le monde professionnel, au-delà des réseaux sociaux. Clay Shirky montre que la structure des entreprises tend de plus en plus vers les réseaux de contribution ouverts où les petits contributeurs jouent un rôle important. Il oppose un modèle institutionnel à un modèle collaboratif ; des structures hiérarchiques et dogmatiques à des rapports souples et dynamiques ; une information contrôlée à un partage de contenus permanent. Si la plupart des organisations suivent encore un système traditionnel, certaines structures plus flexibles remettent en cause ce schéma classique qui place toujours un décisionnaire au sommet pour prendre les décisions pour l'ensemble du groupe.

Le cas de Zappos : la collaboration en actes

Parmi ces entreprises plus flexibles figurent la société Zappos en fait partie. La société a transformé ses 150 départements en 500 cercles pouvant être activés en fonction de besoins spécifiques par projet. Le leadership est réparti entre les rôles et non entre les individus, les responsabilités changent continuellement. Au fil de l'avancée du projet,  les équipes créent et définissent de nouveaux rôles.

©Zappos

Zappos a mis en place un système de badges permettant aux employés d’afficher facilement leurs compétences. Ces badges sont attribués par des employés déjà reconnus sur ces sujets. Par exemple, un badge  "Rédacteur apprenti" désignera une personne ayant des autorisations limitées pour répondre aux mails clients, un badge « Génie du GlassFrog » désignera l'expert du logiciel interne de l’entreprise.Les employés seront sollicités en fonction de compétences attestées par les badges et non plus en fonction de leurs rôles. Un bel exemple d’organisation collective et de contribution autour des compétences de chacun. Finalement, la collaboration est aujourd’hui, plus qu’une réalité, un outil puissant qui favorise la créativité, le bien-être au travail et la carrière. La collaboration change la donne !

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