C’est pas ça le télétravail !

La semaine dernière, un ami proche me confiait qu’il était agréablement surpris par son efficacité en télétravail. Comme pas mal de Français, il testait - contraint et forcé - cette pratique pour la première fois.

En écoutant sa confidence, je me suis dit que je m’étais bien planté ;) A deux reprises même… Moi qui suis investi depuis des années dans les nouvelles formes de travail avec mes équipes, je n’ai pas réussi à convaincre un proche qu’il pouvait travailler efficacement de chez lui. Pire, encore : je n’ai pas réussi à lui expliquer ce qu’était le télétravail.

Car non, travailler de chez soi pendant deux mois non stop, ce n’est pas du télétravail. C’est du confinement ! Certes, prendre conscience que l’on peut travailler de chez soi est déjà un bon départ. C’est même une condition nécessaire au télétravail, mais pas suffisante. Pas du tout suffisante d’ailleurs, à en juger par de récents chiffres* : 30% des télétravailleurs voient leur santé physique et psychologique affectée et 45% n’arrivent pas à déconnecter du travail. Pas dingue donc.

“Bosser dans sa cuisine pendant 2 mois s’oppose à l’essence même du télétravail “

En réalité, bosser dans sa cuisine pendant 2 mois s’oppose à l’essence même du télétravail dont le rôle est de bousculer “l’espace-temps-travail” pour mieux s’organiser, mieux vivre, mieux travailler. Par sa nature, le télétravail induit :

  • Plusieurs espaces : chez soi, dans son bureau "classique” (indépendant ou au sein d'un coworking), dans un tiers-lieu occasionnel (café, coworking à la journée), etc.
  • Plusieurs temporalités : “le lundi”, “une semaine sur deux”, “le mercredi aprèm”, etc.

Ensuite, libre à chacun de s’organiser.

Et c’est là que se glisse un autre aspect du télétravail : l’humain. Pour moi, c’est à l’échelle de l’équipe que doivent s’ajuster les besoins des individus et ceux du collectif. Dans la balance : des heures de travail où l’on peut bosser seul vs des heures où les interactions IRL sont essentielles dans un lieu de travail partagé. Ces ajustements assez fins ne peuvent se jouer qu’à l’échelle de l’équipe. Un employeur obligeant ses salariés à télétravailler x jours par mois serait un non-sens, surtout quand la décision est motivée par des histoires de sous…

“Le bureau de demain sera moins un lieu de production, davantage un espace d’expression”


Aujourd’hui, l’afflux de millions de nouveaux télétravailleurs post-covid oblige l’Etat à rédiger des guides de “bonnes pratiques” entre l’employeur et ses salariés. C’est bien normal, il est fondamental de proposer un cadre légal à tout ça. En revanche, il faut garder à l’esprit que le télétravail ne s’accorde pas autour de l’axe “employeur-salarié” car il n’y a pas de modèle “type”. C’est à l’équipe d’en décider au regard des projets et des profils de chacun.

Cette nouvelle population de télétravailleurs devrait avoir des conséquences assez dingues sur l’organisation des espaces de travail. Si toujours plus “d’heures de travail individuel” vont se faire en dehors des espaces de bureaux, ces espaces vont devoir se transformer pour accueillir plus de créativité, et encore plus de collaboration pour participer au développement de l’entreprise. Le bureau de demain sera moins un lieu de production, davantage un espace d’expression de la culture d’entreprise et par extension, un espace d’interactions sociales.

En fait, je crois que je n’aime pas ce mot télétravail. Il sonne trop comme “travail devant la télé”, ça renvoie l’image d’une détente pour le salarié, d’une défiance pour l’employeur. On est loin de la notion de confiance qui doit permettre au salarié et au manager de se libérer, de gagner en responsabilité.

Finalement, le télétravail n’est qu’une étape. Demain, nous pourrions être en “télétravail permanent” ! Le bureau, la maison, les espaces de coworking seront des endroits que nous choisirons au quotidien en fonction de nos besoins et d’un équilibre productivité professionnelle vs bien-être personnel qui sont extrêmement liés.

Inutile d’inventer un autre mot qui collerait mieux à la réalité du “télétravail” car je crois qu’il sera bientôt mis en pratique (comme il faut) par le plus grand nombre. En 2 mois, nous avons bien dû gagner 5 ans dans son déploiement… Et quand tout le monde s’y sera mis, nous l’appellerons par un mot qui existe déjà. Le travail.

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