Ile-de-France : les travailleurs dans un nouvel espace-temps ?

Depuis mars 2020, les nombreux mois de confinement et la pratique généralisée du télétravail ont mis en lumière la possibilité pour de nombreux Franciliens de travailler chez soi. Au retour à la (presque) normale en septembre 2021, c’est tout un pays qui s’est retrouvé dans la capacité de choisir son espace de travail : de chez lui ou de son bureau “classique”. 
Entre ces deux options, une troisième voix émerge : celle des espaces intermédiaires qui profitent de la métamorphose du tissu urbain et des nouvelles mobilités qui se déploient dans toute l'Ile-de-France.

Le Francilien et la "ville de demain" : de nouvelles mobilités et des espaces de travail intégrés au tissu urbain

Partout en Ile-de-France, l’espace de travail s'intègre dans une nouvelle forme de vie urbaine. Avec la popularisation du concept de droit à la ville (très cher au philosophe et sociologue Henri Lefebvre) et les différents mouvements pour la démocratisation de la ville pour l’accès égalitaire aux ressources urbaines, les espaces de travail se multiplient pour offrir des alternatives aux travailleurs. Bientôt, il ne s'agira plus de se rendre tous les jours à son bureau habituel, mais de profiter d'autres espaces plus proches, adapté à son quotidien.

☞ Vers une diminution du temps de transport pour les travailleurs.

“Un actif francilien de la seconde couronne passe en moyenne 2 heures 20 dans les transports chaque jour.” Cette donnée énoncée par Bruno Marzloff lors de la Maddy Keynote 2021 en dit long sur les enjeux de mobilité en Ile-de-France, territoire qui catalyse toutes les métamorphoses de l’espace de travail. 

Pour l'auteur du concept de dé-mobilité, l’urbanisme doit sortir de la démarche de Le Corbusier qui envisageait des espaces par fonction (travail, loisir, commerce). L'impératif aujourd'hui est de réduire les déplacements des habitants en créant des points d’ancrage urbains multi-fonctionnels. Les gares - initialement dédiées aux seuls transports de voyageurs - doivent ainsi être en mesure d'accueillir espaces de travail, commerces, centres sportifs...  

Les grands projets d’urbanisme actuels suivent cette logique. Inclusifs, ils  visent à limiter les déplacements mais aussi l’émission de polluants tout en améliorant le cadre de vie des habitants-travailleurs. En décloisonnant ses activités, la ville de demain (aka la ville du quart d’heure) fait émerger de nouvelles typologies d'espaces de travail : micro-working, café, espaces de coworking, etc. Des espaces dits intermédiaires qui sont autant d'alternatives au home office et au bureau traditionnel.

Le projet de gare de Bondy - © BIG, Silvio d'Ascia Architecture

Si toutes les agglomérations se transforment, certaines villes Franciliennes s'apprêtent à vivre une véritable métamorphose. A l'horizon 2030, l’immense chantier du Grand Paris Express (GPE) donnera naissance à 33 quartiers de gare qui vont émerger le long des voies ferrées.
Sur un rayon de 800 mètres autour de chaque gare du GPE, ce sont 5,8 millions de m2 surfaces de bureaux qui seront bientôt disponibles*. Les Franciliens auront non seulement accès aux espaces de travail de la capitale (et sa périphérie) mais aussi à toutes les offres des villes de taille moyenne. Reliées aux villes voisines, toutes vont gagner en attractivité. Il est intéressant de voir comment ces espaces de travail s'implantent dans le tissu urbain.

☞ Des espaces de travail ouverts sur la ville.

Les espaces de travail sont aujourd'hui intégrés dans les projets d'urbanisme qui cherchent à offrir un accès plus égalitaire aux ressources urbaines. L'accès aux bureaux est facilité par la réduction des temps de transport (lire plus haut), mais également par l'ouverture du bureau sur la ville. Cette ouverture est portée par une intégration harmonieuse dans le tissu urbain d'une part, et une conception chaleureuse et sociable de l'autre.  

Les espaces de travail, en tant qu’espaces semi-publics, vont proposer des aménagements familiers qui reproduisent la ville qu’on connaît à l’intérieur des immeubles. Par ailleurs, ces ensembles vont également s’intégrer voire fusionner avec le tissu urbain environnant. Désormais, le bureau n’est plus fermé et centré sur lui-même mais il doit être tourné vers son environnement via des accès multiples et des aires communes.

L'Anticafé de Beaubourg, Paris 3e.

Le futur siège de BNP Paribas - situé sur l'île Renault à Boulogne-Billancourt - illustre bien cette ouverture. Baptisé Metal 57, le projet prévoit la restructuration complète du bâtiment historique de Claude Vasconi qui abritait les ateliers Renault en 1984. L’architecte Dominique Perrault va donner une autre vie au bâtiment en intégrant de nombreux espaces modulables tout en préservant ses qualités architecturales originelles. "Un bâtiment de bureau porteur d’expérimentations, un lieu de travail ouvert sur la ville" selon son concepteur.

Conception artistique du projet Metal 57, le nouveau siège parisien de BNP Paribas

L'espace de travail s’invite dans la ville mais il invite aussi la ville en son sein. Ainsi, les concepteurs de nouveaux espaces de travail cherchent à reproduire des moments de socialisation particuliers à la vie urbaine quotidienne. Ces formes d'aménagement considèrent l'espace de travail comme un véritable lieu de vie familier. Des espaces communs y sont conçus pour offrir aux colocataires un temps et un espace différent de celui du travail, où les gens peuvent se rencontrer et discuter sur les sujets les plus divers et variés autour d’un café ou d’un thé.

Ces zones de partage conjuguent collectif et intime, travail et loisirs, ville et nature pour répondre à des usages multiples en fonction des situations. Les occupants peuvent se les approprier comme ils le souhaitent, quand ils le souhaitent. Tout dans un environnement qui conjugue. Le lieu de travail est avant tout un lieu de vie qui doit offrir une expérience ouverte sur la ville.

Des espaces multiples pour répondre à des besoins variés

Mais derrière ces espaces ouverts sur la ville, répartis partout en Ile-de-France, se cache une foultitude d'offres qui permet de répondre à des besoins particuliers.

☞ Des travailleurs toujours plus nomades

La typologie des espaces de travail en Ile-de-France peut se décliner (entre autres) suivant trois catégories :
* le bureau traditionnel : qu'il s'agisse du siège de l’entreprise ou d'une filiale, d'un espace dédié ou partagé, le bureau traditionnel est un espace de travail fixe/régulier au sein duquel les équipes vont se retrouver au quotidien.
** la maison : la grande “gagnante” du confinement qui a capté une large partie de la population, contrainte de pratiquer le home office. Si cette notion est à bien distinguer de celle du télétravail (lire cet article), il n'empêche que le home sweet home est désormais considéré comme un espace de travail à part entière.
*** l’espace intermédiaire : une appellation bien pratique - qui regroupe une foultitude d'espaces (coworking, micro-working, café, espaces nomades) qui vont permettre d'accueillir des "situations de travail" particulières, qui ne peuvent être assurées par le bureau traditionnel ou la maison.  

L'évolution permanente des outils numériques conjuguée aux transformations de la ville transforment d'anciennes oppositions fondamentales en alternatives complémentaires : physique-virtuel, présentiel-distanciel, synchronique-diachronique, continu-intermittent, etc. Des pratiques comme le télétravail et le nomadisme s'installent de plus en plus dans la vie des entreprises. Multiplicité des offres d’espaces intermédiaires : zoom sur les micro-workings, des petits acteurs dans les villes desservies par le Grand Paris Express. les offres nomades par les acteurs du coworking.

concept d’heures pleines / heures creuses ? de micro-working.

☞ Des besoins variables selon l'espace-temps de chacun

Le travail prolongé à domicile a déclenché l'isolement, des préoccupations ergonomiques et, parfois, des risques de décrochage parmi les salariés. Tout cela a poussé à explorer des solutions pour contrer les éventuels inconvénients du travail à distance : un retour progressif au bureau, des ajustements de la charge horaire et des lieux de travail plus compréhensifs, des mécanismes d’intégration des collaborateurs.

Le travail s'adapte alors à tous les modes de vie et à nos nouveaux moyens de communication et suivre la mobilité de ses collaborateurs devient une obligation pour rester attractif en particulier aux nouvelles générations. En fin de compte, elles deviennent plus enclines à travailler un peu, tout le temps, partout, tant que cela leur permet de composer avec les différents aménagements de leur vie.

Clément "le salarié reprend la main sur son "espace-temps". ça ne veut pas dire que tout le monde va rester chez soi. Il doit y avoir des espaces avec une culture forte, marquée et il y a d'autres endroits qui vont accueillir plus proche des lieux de vie, pour concevoir des espaces où travailler, se concentrer. L’espace intermédiaire - ou “bureau du quart d’heure” - Ce dernier lieu sera occupé lors d’occasions plus ou moins ponctuelles, plus ou moins fréquentes ; pour des raisons logistiques, domestiques, pratiques. Ces espaces intermédiaires seront situés près de chez soi ou ailleurs, entre 2 lieux de rendez-vous. Le travailleur et des options multiples de mobilités

La demande de proximité est très importante, et d’après Bruno Marzloff, sociologue du travail, cette tendance se retrouve même parmi des secteurs très variés “les cadres hospitaliers réclament que l’on casse les CHU, pour des petits hôpitaux de proximité.” Chaque entreprise, chaque personne aura ses propres contraintes et critères. L'espace de travail doit être en mesure d'y répondre.

L’âge, la profession, “Plus on est vieux, plus on a d’enfants, plus on a d’expériences, plus on peut bosser à distance. on est en train d’apprendre, il n’y a pas une boite qui bosse de la même manière, chaque demande est particulière. Ceux qui démarrent dans la vie professionnelle auront bien davantage de besoins d’être sur le lieu de travail.”

Pour Clément Alteresco, "travailler de chez soi, tout le temps, ça peut être terrible. Dès lors que l’individu peut travailler à distance, de chez lui, cela doit signifier un gain d’autonomie, de liberté, et non le contraire.” Le salarié reprend la main sur son "espace-temps", mais ça ne veut pas dire que tout le monde va rester chez soi. Il doit y avoir des espaces avec une culture forte alors que d'autres endroits - peut-être plus proches des lieux de vie - seront conçus pour travailler seul, se concentrer sans avoir besoin d’interactions directes avec ses collègues.  pro / perso. Il est possible de travailler de chez soi, mais les longs mois de home office ont fait apparaître des manques fondamentaux au premier rang desquels la richesse des rapports directs. Certaines professions plus que d’autres, les équipes commerciales ont besoin d’échanger pour se motiver ensemble. Les développeurs ressentiront moins ce besoin. les bureaux devront prendre en compte ces différences.

***

conclusion : et demain ? le travail nomade / réseau d’espaces / open space / heures pleines heures creuses. l’idée de hub en réseau.

sources : * Sur un rayon de 800 mètres autour de chaque gare du GPE, ce sont 5,8 millions de m2 surfaces de bureaux qui seront bientôt disponibles.

Lire aussi : 
Flexoffice : moins de postes et davantage de place pour les collaborateurs ?
☞ “Les gares du Grand Paris : terres d’accueil des bureaux de demain“ 
☞ “Grand Paris, le coworking une solution pour désaturer la métropole.

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